LA NATURE DE L'INSPIRATION
Swami RAMA TIRTHA

Conférence donnée le 21 Février 1903 au Golden Gate Hall de San Francisco

(Traduction de Gaura Krishna parue dans RAMA NAMA No 35 d'octobre 1996)


Mon propre Moi sous les formes de Mesdames et Messieurs,

Lors d'une assemblée en Inde des hommes sages étaient rassemblés, des hommes très sages étaient présents et des textes sacrés tirés des Ecritures Hindoues furent récités et expliqués par les savants. Une personne de l'audience - au moment où l'assemblée allait se dissoudre - parla d'un certain sage venu à la ville et qui vivait sur les bords de la rivière, et il fit de très grandes louanges sur ce saint. Les gens souhaitèrent alors naturellement en savoir plus sur ce saint. Il y avait un perroquet qui écoutait le discours, ou, pourriez-vous dire, un esclave qui écoutait la conversation sur ce sage venu à la ville. Ce perroquet qui était enfermé dans la cage, ou cet esclave, demanda au gentleman qui parlait sur le sage,d'aller voir le sage au nom de ce perroquet emprisonné ou de la personne en esclavage, et de lui demander de dire quelque moyen de s'échapper pour cet oiseau enfermé ou pour la personne en esclavage. Bien, l'homme qui avait eu le premier un entretien avec le grand saint alla le voir alors qu'il prenait son bain dans la rivière, et il lui posa cette question : "Comment cet oiseau - un perroquet ou, disons, cette personne particulière, enfermé dans la cage, peut-il être libéré ? Comment pourrait-il être délivré ?" Alors même quil posait la question, on vit le sage emporté par le torrent; les gens de la ville le considérèrent comme mort. Les personnes qui avaient été témoins de la situation du sage furent étonnées et elles firent des réprimandes la personne qui avait posé la question ou qui avait transmis ce message du perroquet ou de l'esclave. Les gens pensèrent que le saint avait eu une défaillance ou qu'il s'était évanoui du fait de sa pitié envers le perroquet emprisonné ou du fait de sa sympathie pour l'esclave enchaîné. Le saint ne remonta pas ce jour-là, ainsi qu'on s'en rendit compte. Bien, le jour suivant, lorsque l'assemblée se tint de nouveau à l'endroit où se trouvait l'oiseau en cage, ou où se trouvait l'esclave, le perroquet ou, pourriez-vous dire, l'esclave demanda à l'homme qui avait eu l'entretien avec le saint si le message du perroquet lui avait été transmis. L'homme dit que le message avait été transmis, mais il ajouta qu'il était désolé d'avoir transmis le message d'un pauvre type comme le perroquet ou d'un misérable comme l'esclave enchaîné. Le perroquet ou l'esclave demanda pourquoi il était désolé. L'homme dit alors qu'au moment-même où le message était transmis au sage, il s'était évanoui. Et tous les gens se s'étaient demandé et avaient été étonnés de ce que tout cela pouvait dire. Mais le perroquet ou l'esclave comprit d'un bout à l'autre l'entier secret. Le perroquet, ou, pourriez vous dire, l'esclave, n'était pas si intelligent que çà, mais immédiatement après avoir entendu que le saint s'était évanoui, il s'évanouit aussi et fut mort à toutes intentions et à tous desseins. Là, les spectateurs furent surpris; voilà, ce devait être un étrange message que celui qui avait causé la mort de ces deux êtres. Quand le message avait été transmis au saint, il était mort, et quand le message avait été répété au perroquet ou à l'esclave, l'esclave mourait. Savez-vous ce qui arriva ensuite ? Quand les spectateurs virent que le perroquet était mort, il pensèrent que ce n'était plus la peine de garder le perroquet emprisonné. Ils ouvrirent la cage et immédiatement le perroquet s'envola dehors en disant : "Ô audience, ô personnes qui vous assemblez ici chaque jour pour entendre les écritures sacrées, vous ne savez pas comment la réalisation, le salut, l'inspiration peut être obtenue. Je l'ai appris aujourd'hui à partir de la réponse à mon message que j'ai reçue de ce saint. Le saint ne s'est pas évanoui; le saint, pour ainsi dire, a répondu à mon message; en s'évanouissant, en tombant en défaillance, le saint m'a donné la voie de la libération, m'a dit le chemin de la réalisation. Le chemin du salut, la voie de la réalisation est la mort apparente, çà et pas autre chose, la crucifixion et pas autre chose, il n'y a pas d'autre voie pour l'inspiration. La voie de la réalisation est d'aller au-dessus du corps, de s'élever spirituellement jusqu'à cet état, de s'élever à un état de salut intérieur, où le corps est en quelque sorte mort, où la petite personnalité est inconsciente, entièrement perdue, entièrement laissée derrière, voilà la voie de la vie. En sanscrit nous avons deux mots très significatifs, l'un est bhoga, l'autre est yoga. La plupart d'entre vous est familiarisée avec le mot yoga, peut être avez-vous lu que le contraire de yoga est bhoga. Bhoga signifie littéralement plaisir, et yoga signifie renonciation (1). Les gens dans ce monde parlent de plaisir. Qu'est-ce que le plaisir ? Si vous examinez, si vous analysez le plaisir, vous verrez qu'il n'est rien d'autre que yoga, renonciation. Il n'y a pas de plaisir réel si ce n'est dans la renonciation, il n'y a pas d'inspiration si ce n'est dans la renonciation, il n'y a pas de prière si ce n'est dans la renonciation. Vous ne pouvez pas, vous ne pouvez pas garder votre petite personnalité, votre soi jouissant et en même temps avoir la joie. Au moment même où la joie est là, le soi jouissant n'est pas là. Au moment même où l'inspiration est là, l'idée de "Je sais" et "je le fais" est absente, elle ne peut pas être là. C'est ce que les grands maîtres ont dit à ce sujet. L'homme qui est son propre maître frappe en vain à la porte de la poésie. Vous ne pouvez pas être en état d'écrire de la poésie et en même temps jouir de la poésie. Non. Vous ne pouvez pas être votre propre maître et en même temps écrire de la poésie. Personne ne peut écrire et être conscient du fait qu'il est en train d'écrire. Lorsqu'il devient la conscience elle-même, alors le point de l'inspiration est atteint. L'artiste doit être sacrifié à son art (2). Lorsque vous jouez le rôle du très grand artiste, alors dans les yeux des autres vous êtes un grand artiste, mais vous ne l'êtes pas de votre propre point de vue. Aucune idée de "je suis en train de faire" n'est présente, vous êtes devenu un avec le Tout. De votre propre point de vue vous n'êtes pas artiste; là l'interprète, l'interprétation, l'écrivain, l'écrit sont tous devenus un (3). Là toute différence doit être annihilée. Ceci est la nature, le secret de l'inspiration. Les gens disent : "C'est un homme spirituel", mais lorsqu'il est inspiré il n'est pas inspiré de son propre point de vue. Les autres le disent inspiré. Les autres personnes regardent l'arc en ciel et admirent les couleurs, les belles teintes magnifiques. Ils les aiment, ils les admirent, mais allez là où vous voyez l'arc en ciel. Examinez, voyez attentivement et vous ne trouverez aucun arc en ciel; vous n'y trouverez aucun arc en ciel. L'arc en ciel est présent dans les yeux des autres, mais du point de vue de l'endroit exact ou du point de vue de la personne qui est située à l'endroit où les autres voient l'arc en ciel, il n'y a aucun arc en ciel. De la même manière, du point de vue des autres une personne est dite inspirée, un grand homme, un écrivain, un penseur, un philosophe, mais de son propre point de vue à ce moment là il n'y a aucune illusion présente du genre : "J'écris" ou "je suis inspiré". L'artiste doit être sacrifié à son art. (4) Comme les abeilles, les artistes doivent mettre leur vie dans les piqûres qu'ils donnent. C'est l'entier secret de l'inspiration. L'abeille, lorsqu'elle vous pique, meurt après. De même est inspiré celui qui donne sa vie entière dans la piqûre qu'il donne. Ceci est l'entier secret. Vous ne pouvez pas être inspiré et en même temps avoir du plaisir; essayez de jouir d'une chose et vous n'êtes plus inspiré; vous réjouirez les autres, vous réjouirez le monde quand vous êtes inspiré, mais vous, vous-mêmes, ne serez pas un jouisseur et un homme inspiré à la fois. Vous ne serez aucunement jouisseur, mais vous serez mieux encore, la joie elle-même.

Le papillon de nuit vole dans la flamme de la lampe et alors le papillon prouve son amour. Pour pouvoir distinguer le papillon d'une mouche commune, nous verrons le papillon brûler par la lampe afin de pouvoir prouver qu'il est un papillon. De même, pour qu'un homme d'inspiration puisse être vu comme un homme d'inspiration, pour que son pouvoir d'inspiration puisse se manifester et se révéler, il doit être un homme de yoga. Il va loin, loin au-dessus du désir, mort à toutes les intentions et à tous les desseins pour le monde.

Aucun grand génie n'a jamais pu tirer une inspiration réelle si ce n'est de la Nature vivante (5). Cela sera illustré par un exemple tiré de la nature. L'eau donne la vie à cette terre, elle est la cause de toute croissance en ce monde avec la lumière. Vos cultures sont mûries par l'eau, l'eau est la plus grande bénédiction de Dieu. Dans ce pays les gens n'aiment pas la pluie, mais en Inde et dans tous les pays d'Orient, la pluie est réellement la plus grande bénédiction qui soit au monde. Les plus grands philosophes et les plus grands poètes (6), les grands êtres qui souhaitent recevoir l'inspiration se servent toujours de l'opportunité qui vient à eux lorsque les nuages grondent dans les cieux, lorsqu'il pleut beaucoup dehors. Ce sont les occasions que tous les poètes et tous les chercheurs d'inspiration recherchent le plus sérieusement; et de par sa propre expérience Rama peut dire qu'il est toujours plus facile pour Rama d'écrire de la poésie quand il pleut dehors que dans les autres occasions. Lorsqu'il est sur le point de pleuvoir ou lorsqu'il bruine, le mental s'élève de lui-même et le cerveau est jeté dans une disposition poétique, et tout devient si inspirant, et nulle cause apparente ne peut être attribuée à cette extraordinaire exultation si ce n'est l'union des cieux et de la terre au travers de la pluie. Par la pluie la terre et les cieux s'unissent. Les fêtes de mariage ont habituellement lieu en Inde en de telles occasions. Les gens pensent que la terre et les cieux s'unissent. En conséquence, que l'homme et la femme s'unissent aussi dans le lien du mariage. Voyons ici comment il se fait que l'atmosphère donne l'inspiration et nous donne la pluie, nous donne la rosée, nous donne de magnifiques brises. Qu'est-ce qui inspire le ciel entier ? La science nous dit que la cause de l'inspiration du ciel est ce qui est appelé saturation. C'est un mot que l'on doit expliquer maintenant. Prenez une tasse de lait et ajoutez-y du sucre. Le sucre va se dissoudre. Ajoutez un petit peu plus de sucre, il ne se dissoudra plus. C'est le point où une certaine quantité de sucre est dissoute et qu'aucune autre ne peut être imbibée par le lait, le lait n'en accepte pas plus. Ce point est appelé point de saturation. Nous voyons que l'eau dissolvera le sel jusqu'à un certain point, jusqu'à un certain degré, mais au-delà de ce degré, l'eau n'acceptera plus de sel. Si on ajoute plus de sel, il reposera, il s'établira au fond, il ne sera plus dissous. Là l'eau est saturée de sel. L'eau peut être saturée de terre, nous pouvons ajouter une certaine quantité de terre, elle sera dissoute, mais ajoutez-en un peu plus, elle ne sera pas dissoute, là l'eau est saturée de terre. Voici notre atmosphère, qui consiste en azote, oxygène, dioxyde de carbone, matière organique, particules matérielles, et aussi vapeur d'eau. Les particules d'eau sont en suspension dans l'air. Arrive un moment où l'atmosphère est saturée de vapeur d'eau. Il y a des moments où l'atmosphère n'est pas saturée de vapeur d'eau. Mais lorsque l'atmosphère est hautement saturée de vapeur d'eau et qu'une petite quantité de plus se fait présente, alors l'air ne peut plus longtemps retenir son eau. L'eau superflue - l'eau qui est là et au-dessus de la quantité de vapeur qui saturera l'atmosphère, l'eau tombe sous forme de pluie. Ainsi lorsque l'atmosphère est plus que saturée d'eau, nous avons la pluie en ce monde; nous avons la chute de rosée; nous avons les tempêtes, nous avons la bruine, nous avons un phénomène de ce genreaprès le point de saturation. Nous verrons par la suite comment se fait cette saturation, mais il suffit à présent de dire que pour que l'atmosphère puisse être inspirée, pour pouvoir avoir de la pluie, le point de saturation doit être atteint, non, il doit être plus qu'atteint, la vapeur doit être saturée et plus que cela, et alors nous aurons des résultats bénéfiques, de grandes conséquences en ce monde. Voici de la même manière votre mental, on peut le comparer à l'atmosphère ou à l'air. Lorsque le mental devient saturé d'une idée, elle remplit votre mental, elle conquiert votre mental, imprègne et pénètre votre mental, emplit votre âme entière, vous sature. Remarquez maintenant qu'à chaque fois que votre mental est saturé d'une idée, vous trouvez votre mental dans un état étrange, vous l'appelez l'état de trouble. C'est un état du mental qui ressemble remarquablement à ce que nous appelons calme, que nous appelons sur cette terre un état de proximité, et vous savez que lorsqu'elle est très proche, les gens s'attendent à la pluie. Lorsque vous trouvez qu'elle est très proche, l'atmosphère est saturée et après cela nous nous attendons à la pluie, au-delà du point de saturation. Ainsi lorsque votre mental est rempli entièrement par une idée, il est dans un état qui ressemble remarquablement à ce que nous appelons un état de proximité, de calme, proche. Lorsque votre mental est saturé de l'idée de l'objet que vous aimez, vous avez pu observer qu'il arrive un moment où le mental est dans un état de proximité, de calme, d'impatience. C'est indescriptible, les gens l'appellent merveilleuse impatience. Maintenant lorsque cet état est dépassé, lorsque vous allez au-delà de cet état, vous devenez poète, alors la poésie commence à tomber de vous, commence à pleuvoir en vers mélodieux, en splendides chansons. C'est l'état. Lorsque votre mental excède ou va au-delà du point de saturation les idées tombent par terre sous forme condensée en noir et blanc, là est l'inspiration.

Voici un homme. Il fait entrer une idée dans son mental, l'idée de résoudre un problème. Il commence à le résoudre, travaille et travaille, mais il ne peut parvenir à la solution. Ceux d'entre vous qui ont essayé de résoudre des problèmes difficiles, philosophiques ou mathématiques, peuvent confirmer ce que dit Rama à partir de leur expérience personnelle. Nous commençons à travailler à un problème difficile. D'abord, au début, lorsque nous essayons de solutionner le problème, notre mental n'est pas saturé, notre mental a eu aussi d'autres désirs qui le pénètrent. Le problème difficile n'est pas résolu. Lorsque vous voyez que par de tels efforts le problème n'est pas résolu, vous devenez quelque peu impatient et vous jetez au loin votre attachement aux autres objets, vous devenez plus libre, en d'autres mots cette idée particulière qui est devant vous devient plus proéminente, elle remplit de plus en plus votre mental, et elle fait sortir les autres pensées. Le problème n'est pas encore résolu. Nous nous sommes passés de la plupart des sentiments et des attachements, il reste pourtant dans notre mental l'idée d'ahamkara (7) comme nous l'appelons en sanscrit : "Je fais cela" et "j'ai le mérite de ceci". Qu'arrive-t-il ? Le problème n'est pas résolu. Après un moment, alors que vous persistez à y travailler et que vous commencez à vous y cogner, toute pensée de meum et teum se perd, l'idée demeure suprême en votre mental; et lorsque ce point est atteint, on est entièrement débarrassé de toute pensée de meum et teum, toute pensée de mien et de tien, ou de temps et d'espace. La seule idée emplit l'espace entier de votre mental, ne laisse aucun vide en votre coeur, l'âme est en quelque sorte saturée et vous devenez un avec l'idée. Là le papillon de nuit est brûlé, là l'abeille abandonne sa vie, là la maîtrise sur le petit soi se perd, là l'idée de plaisir s'en va, là est la crucifixion; lorsque ce point est atteint, vous êtes tout à coup inspiré, et la solution brille à l'intérieur de vous. Les gens n'utilisent-ils pas cette expression : "Cà me frappe ?" Sans cette mort-dans-la-vie, vous ne pouvez réussir et vous ne pouvez être inspirés.

Artistes, enseignants spirituels, philosophes et penseurs obtiennent l'inspiration dans leurs propres domaines, mais cette inspiration ne vient qu'au travers de la crucifixion. Les gens dans ce monde veulent rester des jouisseurs, ils veulent rester des agents (veulent demeurer agissant), mais le Vedanta montre qu'il n'est pas en accord avec les lois de la nature (8) que vous puissiez jouir de quoi que ce soit. Ce n'est pas pour l'homme de jouir de quoi que ce soit. Ce jouisseur est le faux soi, ce n'est pas le Soi réel, ce n'est pas vous. Tous les penseurs, tous les philosophes devront voir le monde entier jouir de leur corps, de leur mental, de leur être entier. C'est la voie. Si vous voulez être un jouisseur, la voie de la salvation, la voie du bonheur, la voie de la joie vous est barrée. Vous ne pouvez pas, vous ne pouvez pas jouir de ce monde, pour vous il n'y a qu'un chemin, et cet unique chemin est de voir la Divinité jouir de votre corps, de votre mental et de tout ce qui est vôtre, de les voir manger jusqu'à la dernière miette par la Divinité. Comme le dit Christ pendant la Cène :"Voici, mangez ma chair, mangez-la." "Voici, vous devrez boire mon sang !". Très heureux et béni est celui dont la vie est un continuel sacrifice.

A chaque fois que nous atteignons ce point de saturation, lorsque le mental est rempli d'une idée, lorsque l'être entier est perdu et immergé dans la pensée, alors la machine, l'orgue, l'instrument musical est pris par le grand musicien, par Dieu, par la Divinité, et au travers de cet orgue des sons superbes, magnifiques, sublimes sont produits. Des notes magnifiques, de la musique sublime sort de l'orgue, mais aussi longtemps que l'enfant veut garder l'orgue pour lui-même et ne veut pas que le grand organiste ou le grand musicien le tienne, seules des notes dissonantes en sortiront; aussi longtemps que ce soi, ce faux ego, ce soi irréel qui est le soi jouisseur, est présent, veut retenir le corps et ne le laisse pas partir, des notes dissonantes sortiront de ce corps ou instrument de musique. Transmettez cet instrument ou ce corps à la Divinité, débarrassez-vous de ce faux ego, au loin avec ce petit soi, sacrifiez le, et élevez-vous au-dessus de lui. Alors, quand le point de saturation est dépassé, Dieu Lui-même s'empare de cet instrument, le grand musicien tient cet instrument Lui-même et de cet instrument sort de la musique, de magnifique notes jaillissent. Là vous êtes inspiré. L'inspiration est l'action-de-Dieu. Lorsque le petit soi abandonne la possession du corps, la personne est inspirée.

Nous voyons qu'avant que Christ commence sa mission, Satan essaya de le tenter par tous les moyens pour qu'il devienne un jouisseur. Voici sept mondes, voici des plats magnifiques, délicieux, voici la royauté, voici une occasion d'obtenir un grand nom en faisant un miracle, voici les tentations, voici le plaisir posé devant Christ. Que dit Christ ? "Arrière de moi, Satan, je n'aurai rien de tes mains." Splendide, splendide. Ô gens d'Amérique ou d'Europe, gardez cet enseignement de Christ devant vous. "Arrière de moi, Satan, je n'aurai rien de tes mains." Malgré tout ce ravage du matérialisme, gardez cet enseignement de Christ en votre mental. "Arrière de moi, Satan je n'aurai rien de tes mains." C'était Christ mettant de côté toute la jouissance du monde, il prend la renonciation et la croix, il abandonne tout cela. Voici l'emblème posé devant vous, le secret de l'inspiration. Aussi longtemps que l'idée de jouisseur ou d'agent est retenue en votre mental, vous ne pouvez pas, vous ne pouvez pas être inspiré. Ce n'est que lorsque l'idée de jouisseur ou d'agent - "Je travaille, je fais, je dois m'attribuer le mérite" - est entièrement répudiée que vous êtes inspiré.

Rama terminera avec une histoire. Dans les Ecritures Hindoues il y a une histoire magnifique à propos de trois personnes appelées Asuras. Ces trois personnes avaient de merveilleux pouvoirs. C'étaient des guerriers, personne ne pouvait l'emporter sur eux; c'étaient de magnifiques personnes, magnifiques. Les gens venaient, combattaient contre eux, et étaient vaincus aussitôt; des armées d'ennemis vinrent et furent vaincues. Les hommes qui combattirent contre eux vinrent par milliers mais furent vaincus par ces trois personnes. Etant si fréquemment vaincus, les ennemis allèrent trouver un grand saint et demandèrent comment ils pouvaient vaincre ces trois gars-là; et le saint leur dit qu'ils devaient rechercher la cause de leur invincibilité, comment ces trois Asuras étaient invincibles. Avec grand effort et grand trouble on trouva que le secret de leur invincibilité résidait dans le fait que ces trois personnes n'entretetaient jamais, jamais la pensée qu'ils étaient des travailleurs ou des jouisseurs. Lorsque la victoire était obtenue ils n'en pensaient rien. Ils ne s'abaissaient jamais à jouir de la victoire. Lorsqu'ils combattaient, l'idée "En tant que corps, je combats" était entièrement perdue, l'idée "Je suis en train de combattre" était entièrement absente. Tels sont les héros de ce monde. Vous savez que tout héros en guerre, quand est engagé dans l'action, comme les gens disent "Je suis tout oreille", ainsi le héros est toute action. Il n'y a pas de place pour l'idée "je fais". Là son corps devient pour ainsi dire mécanique. Il est toute action, là tête et pieds sont saturés de la Divinité. Aussi ces gens, toutes les fois qu'ils combattaient, devenaient toute action, ils ne permettaient jamais un instant l'idée "J'agis". De même qu'une machine travaille, leurs corps travaillaient; comme des machines de Dieu, des machines de la Divinité, leurs corps travaillaient. C'était le secret de leur succès, personne ne pouvait les vaincre. On avait maintenant trouvé le secret de leur invincibilité. Le grand sage donna aux ennemis de ces trois guerriers le moyen de les vaincre. Il dit à ces ennemis de s'engager avec eux dans l'action, puis de les fuir. Allez vers eux et appelez-les à l'action, et juste quand ils commenceront à vous attaquer, laissez ces guerriers comme vainqueurs. Faites les juste venir et fuyez les. Les ennemis de ces guerriers les firent venir et s'enfuirent. Ainsi une fois de plus les ennemis de ces guerriers étaient vaincus. Ces trois invincibles guerriers furent bientôt tirés en dehors de leur position réelle, ils furent tirés en dehors de leur invincibilité réelle et ils furent ramenés à l'intérieur de leurs corps; on leur avait fait croire qu'ils étaient grands, qu'ils étaient victorieux. Ces victoires continues avaient engendré en eux l'idée qu'ils étaient victorieux, qu'ils étaient des vainqueurs. Voici les trois hommes ramenés à l'intérieur de la cage du corps; voici les trois hommes mis dans la prison du corps. L'idée de "je fais" ou l'idée de "je suis grand" prit possession d'eux et les maintint en prison. Là le Dieu en eux fut remplacé par le petit ego; et alors ce ne fut pas une tâche difficile que de les vaincre, de les attraper et de les emprisonner. Ce ne fut pas une tâche difficile, ils furent immédiatement défaits, ils furent pris immédiatement.

Remarquez maintenant l'application de cette histoire. Aussi longtemps que vous faites un travail, votre corps étant en quelque sorte une machine dans les mains de Dieu, votre personnalité est fondue dans la Divinité, aussi longtemps que vous êtes dans cette position, vous êtes invincible, vous êtes comme ces trois Asuras au-dessus de l'idée de "J'ai du plaisir ou Je fais". Vous êtes invincible; mais lorsque les gens viennent vers vous et commencent à vous louer, à vous gonfler, à vous flatter, vous voient favorablement de tous côtés, vous êtes prêt à croire que vous êtes un vainqueur, que vous êtes un héros, que vous êtes victorieux, que les autres sont vaincus, que vos rivaux sont piétinés. Vous êtes comme ces trois Asuras. L'idée de "Je fais cela", "Je dois jouir de l'action", et "je suis le jouisseur' - cette pensée même vous emprisonne, vous fait descendre dans la cage du corps. Vous êtes défait, le pouvoir est perdu.

N'avez-vous pas vu dans la Bible même, quand Christ est revenu des collines, ils était possédé d'une grande puissance. Il vivait au milieu de ses amis, il parlait beaucoup, et Christ devait dire : "Qui m'a touché ?" Je sens que mon pouvoir sort de moi." Nous voyons cela dans la Bible. Vous voyez là la même chose. Quand vous êtes au-dessus de "Je fais, je jouis", Dieu travaille à travers vous et vous êtes inspiré; mais dès que vous faites une chose et que vous acceptez la louange et les critiques favorables des gens, les applaudissements des gens et la flatterie des gens, le pouvoir part immédiatement; vous êtes de nouveau ramené dans la cage. Sortez de la cage et vous êtes inspiré, retournez dans la cage et vous ne l'êtes plus.

Voici, supposons, une belle montre. Elle est en ordre de marche et fonctionne jour et nuit. Elle se magnétise, elle vient à se trouver à côté d'un aimant puissant, les ressorts de fer se magnétisent. La montre ne peut plus fonctionner, elle est inutile, elle ne nous donne pas l'heure. Qu'allons-nous en faire ? Enterrez la montre, tenez-la éloignée des influences magnétiques, gardez la éloignée de ces influences, elle se démagnétisera, elle regagnera son pouvoir originel de fonctionnement et vous pourrez de nouveau l'utiliser. Sous votre mental votre Soi intérieur est céleste, il est divin. Tout enfant est par nature un enfant inspiré, tout enfant est par nature un poète, et si vous vivez, vivez en accord avec les lois divines; si vous vivez en harmonie avec la Divinité, vous serez toujours inspiré. Si vous vivez à l'unisson de votre véritable Atman ou Esprit, si vous restez toujours en contact avec Dieu en vous, avec votre propre Soi ou Atman, vous serez tout le temps inspiré. Ce qui est mauvais chez vous, c'est que votre mental vient au contact des aimants terrestres de tous côtés, des attachements du monde qui vous magnétisent et vous dérèglent, vous n'êtes plus en état de marche mais détraqués. Si vous n'êtes pas inspiré aujourd'hui, la seule raison en est que vous ne resté pas assez à l'écart ou isolé. Vous permettez aux objets profanes de vous magnétiser, de vous hypnotiser, vous leur permettez de vous vicier et de vous corrompre. Si vous voulez regagner vos pouvoirs et votre inspiration originels, demeurez isolés, à l'écart pendant un moment. Plongez-vous dans la Réalité, dans la Divinité, isolé pendant un moment. Plongez-vous dans la Réalité, dans la Divinité, en Dieu, dans le véritable Atman. Demeurez plongés dans l'Esprit, dans la Vérité. Vivez seul pour un temps, mettez-vous à l'écart pendant un moment de votre journée pour demeurer en contact avec la Réalité; fondez-vous, plongez-vous en Dieu. Faites cela et le magnétisme altérant et le mauvais hypnotisme que vous avez acquis de ces objets profanes vous quitteront, votre mental se remettra en ordre de marche. Vous serez de nouveau inspirés.

Les bateaux, lorsqu'ils restent quelque temp à naviguer en mer, deviennent un peu détraqués, ils deviennent hors d'état de marche. Ils demandent à être mis en cale pour quelque temps pour être réparés. De la même manière, en demeurant trop longtemps dans les affaires profanes, dans les matières profanes, en compagnie de circonstances hypnotisantes, au milieu d'environnements altérants, fatigants et cabrants, vous avez été mis hors d'état de marche, vous êtes tombés, vous avez perdu vos pouvoirs intérieurs naturels d'inspiration. Comme vous le faites avec vos navires, vous devez le faire avec vos corps. Gardez vos corps pendant au moins quelque temps en cale, loin de ces influences, gardez vos corps pendant au moins quelque temps en Esprit. Lisez des livres qui vous inspireront, vivez en compagnie de gens qui vous inspireront, vivez seul par vous-même. Consacrez quelque temps à la méditation et vous regagnerez votre pouvoir d'inspiration. Votre corps ne demande-t-il pas à être lavé chaque jour, votre maison ne demande-t-elle pas à être frottée et briquée chaque jour ? De la même manière votre mental demande chaque jour à être lavé et purifié, nettoyé et baigné. Aussi longtemps que les idées profanes, les attachements ou les pensées du plaisir profane, ou que l'idée "Je fais ceci", etc... sera présente, aussi longtemps que vous ne serez pas entièrement crucifiés, il n'y autz aucun espoir pour vous. La voie de l'inspiration n'est rien de moins que la crucifixion.

 

Om ! Om ! Om !