SHRADDHANJALI
A MON DIKSHA GURU

Sadhu Prof. V. RANGARAJAN

 

"Seul un escroc ou un fou aimerait être connu comme un dieu
alors qu'il vit. Pour un homme sain et honnête sur terre, le fardeau
de la divinité serait impossible à porter pendant sa vie."

(extrait du discours du Sage Yadodhara à ses élèves, 5054 av. JC)

La citation ci-dessus est tirée de la saga des anciens Aryas, "Retour aux Aryas" de l'auteur renommé Bhagwan S. Gidwani.

Deva manusha rupena carantyete mahitale - Dieu marche sur terre sous la forme humaine, proclament nos Ecritures. Dans le Ramayana, Ramachandra fait un appel fervent :

Atmanam manusham manye dasharatatmajam¡ - Sache que je suis un homme, fils de Dasaratha.

Dieu vient sur terre pour Se poser comme homme idéal, ce pour permettre à l'homme de suivre Son exemple et s'élever jusqu'à la Divinité. De telles Âmes Divines qui marchent sur le sentier fixé par Dieu atteignent l'état de Divinité, mais ils vivent parmi les hommes comme des hommes ordinaires, souvent incognito, jusqu'à ce que d'autres âmes ardentes découvrent en elles l'idéal à suivre.

Bhagavan Yogi Ramsuratkumar, mon diksha guru, qui avait l'habitude de s'appeler 'mendiant fou' et qui a mené la vie d'un voyageur insouciant dans les premiers jours de sa sadhana, vivant sous des arbres au bord de la route, sur des quais de gare, dans des marchés affairés et devant des temples, a atteint le Mahasamadhi à l'intérieur d'un grand Ashram construit par Ses dévots à Tiruvannamalai le mardi 21 février 2001 à 3h 20 du matin. Il avait 84 ans.

Né le 1er décembre 1918 dans une famille d'agriculteurs dans un village reculé du district de Balia en Uttar Pradesh, Ramkumar était dans sa jeunesse profondément religieux. La mort accidentelle d'un oiseau heurté par une corde qu'il avait jetée alors qu'il tirait de l'eau d'un puits de village le fit réfléchir sur la nature éphémère de l'existence matérielle et le poussa à rechercher la compagnie des saints et des sadhus pour apprendre le sens et le but de la vie. Quoiqu'il soit passé par une éducation universitaire à Allahabad et obtint un diplôme d'enseignant pour s'établir comme professeur et qu'il entra aussi dans la vie de famille en épousant Ramananjini et en obtenant trois filles : Yashoda, Maya et Vina, et un fils, Amitab, sa pulsion spirituelle le conduisait encore et encore vers les sannyasis qui fréquentaient les rives de Ganga. Ce fut lors d'une de ces occasions qu'un Mahatma lui conseilla d'aller à Pondicherry pour trouver son Maître en Mahayogi Sri Aurobindo. Il visita Pondicherry en 1947 et de là, ayant entendu parler de Bhagavan Ramana Maharshi, il voyagea jusque Tiruvannamalai. Là, il entendit parler de Papa Ramdas d'Anandashram à Kanhangad au Kerala et il rendit aussi visite à la demeure de ce saint. Cela demanda du temps à cette âme errante pour trouver sa destination finale et c'est pourquoi il retourna chez lui pour revenir encore une fois à ces trois endroits au cours de l'année suivante. Même lors de cette visite, son ardent désir ne fut pas exaucé et il voyagea vers le nord. Lorsqu'il apprit le Mahasamadhi à la fois de Sri Aurobindo et de Sri Ramana Maharshi en 1950, il sentit qu'il ne pouvait plus rater une chance et il se rua jusque chez Papa Ramdas pour trouver en lui son Guru. Il revint encore vers Papa en 1952 et il reçut cette fois-ci de lui l'initiation dans le Ramanama Taraka Mantra : Aum Sri Ram Jai Ram Jai Jai Ram. Bien qu'il voulût être aux côté de Papa, Papa avait quelque chose d'autre pour lui. Papa lui demanda de quitter l'ashram et d'aller s'engager dans une sadhana incessante du Japa. Ramsuratkumar essayait de rendre visite à Papa à chaque fois que ce dernier se rendait en tournée dans l'Inde du Nord et Papa lui conseilla d'abandonner cette folle poursuite du Maître, de s'établir à Girnar et de s'engager dans sa sadhana. Ramsuratkumar était cependant destiné à trouver sa place finale dans la demeure sacrée du Seigneur Arunachala et il y arriva en 1959 pour en faire sa résidence permanente.

Les premiers jours, les gens de la colline Arunachala et des alentours à Tiruvannamalai ne virent en Ramsuratkumar qu'un mendiant indien du nord excentrique dans des vêtements sales de paysan, assis sous un arbre en face de la gare ou devant le temple ou près d'une boutique au bord de la rue, tirant sur sa cigarette et errant quelquefois sans but. Même certains de ceux qui l'avaient connu comme visiteur à Anandashram voyaient en lui un "Bihari fou" et pensaient que Papa l'avait tenu à l'écart parce qu'il était une nuisance pour les autres fidèles de l'ashram du fait qu'il partait souvent dans des explosions émotionnelles d'extase. N'était-ce pas le Seigneur Shiva Lui-même, sujet au non-respect et à la condamnation à la cour de son propre gendre Daksha alors qu'il errait comme un mendiant fou et comme quelqu'un qui demeurait dans les terrains de crémation ?

Même après que quelques âmes bénies l'eurent identifié à un saint sous l'habit de mendiant et commencèrent à le fréquenter régulièrement, l'adorant et s'adressant à lui comme "Yogi" ou "Enfant-Dieu", Ramsuratkumar continua à s'appeler "sale mendiant fou". Hommes et femmes de hautes positions, comme des vice-chanceliers, des juges, des fonctionnaires et des politiciens venaient chercher son darshan et ses bénédictions, mais il avait l'habitude de les garder tous à distance, sans la moindre intention de se créer une suite, de poser comme un leader spirituel et de créer un ashram ou une organisation spirituelle à son nom. Même lorsqu'on lui présenta une maison pour qu'il l'habite, il n'en fit qu'un dépotoir pour jeter tout ce qui était fourré dans ses mains et il avait l'habitude de passer la plupart de son temps assis dans la véranda à recevoir des visiteurs, qu'ils soient hommes de haute position ou paysans humbles et simples. Les gens l'adoraient quelquefois et lui rendaient culte et d'autres fois, quand ils trouvaient que cette adoration et ce culte ne leur apportaient pas l'exaucement de leurs désirs matériels égoïstes, ils le rejetaient comme un imposteur. Mais louange tout aussi bien que condamnation n'avaient aucun effet sur lui, car il vivait dans un royaume complètement différent que les soi-disant dévots ne pouvaient jamais atteindre. Il n'avait rien à attendre d'eux et il n'avait rien à leur donner. Il croyait dans l'affirmation de la Bhagavad Gita qui dit que l'on doit s'élever soi-même. Aussi ne faisait-il que montrer la voie en laissant les dévots choisir leur propre chemin. Même après l'établissement d'un grand Ashram par ses dévots à Tiruvannamalai, il ne le fréquentait qu'une ou deux fois par jour pour donner le darshan aux centaines de gens qui s'y assemblaient, mais il n'a jamais songé à les organiser pour établir une organisation spirituelle et pour créer une grande suite. Ce n'est que lorsque sa santé commença à faiblir, créant un inconvénient pour lui de faire de fréquents voyages à l'ashram, qu'il commença à y vivre, à la toute fin de sa vie terrestre, et cela aussi pour que ce soit commode pour les fidèles.

Adi Shankaracharya dit que trois choses sont en vérité rares et qu'elles sont dues à la grâce de Dieu : une naissance humaine, le désir ardent pour la Libération et le soin attentif d'un sage parfait.

... Sadhuji raconte ensuite son initiation par Yogiji ...

Des Maîtres Spirituels viennent de temps en temps, particulièrement dans cette terre sainte de Bharatavarsha, pour établir la voie de la Réalisation de Dieu pour les âmes ardentes et sincères. L'adoration aveugle et le culte superstitieux et ritualiste de ces Mahatmas mènent quelquefois à l'idolâtrie de ces grands hommes, faisant échouer le but même de leur mission. Mon Maître n'a jamais voulu être adoré comme une idole, mais il s'efforçait à être un idéal. En idolâtrant un Mahatma, on sacrifie son idéal. Le plus grand hommage que l'on pourrait rendre à notre Maître est d'essayer honnêtement et sincèrement de suivre ses traces de la meilleure manière que nous pouvons le faire. Mon Maître était une incarnation de l'humilité. Il respectait même ceux qui manquaient de respect envers lui. La seule prière de ce sadhu à son Maître est qu'il doit donner à ce Sadhu la force d'imiter toutes ces qualités nobles qu'ils trouvait en son Maître et d'aller de l'avant avec le travail que lui a donné le Maître, qu'il soit reconnu ou non, qu'il soit loué ou condamné, qu'il rencontre le succès à chaque étape ou l'échec et les déceptions, jusqu'à ce que le but fixé pour lui par le Maître soit atteint.

Les vies des grands hommes nous rappellent
Que nous pouvons rendre nos vies sublimes,
Et, en partant, laisser derrière nous
Des traces sur les sables du temps.
(Longfellow)

En suivant les traces de notre Maître, Bhagavan Yogi Ramsuratkumar, nous rendrons nous aussi nos vies sublimes et laisserons derrière nous des traces sur les sables du temps. Vande Mataram.