DHARMARAJYA
(Ou "Du véritable gouvernement selon le Dharma")

par le Juge M. RAMA JOIS

 

Notre monde étant plongé en plein Kali Yuga, les pays du monde sont gouvernés avec l'argent comme seul but. Les valeurs humaines sont partout méprisées et le "dharma" foulé aux pieds. Seul un retour au dharma, au sanatana dharma, peut rétablir un monde véritable. Ces réflexions sur le Dharmarajya (gouvernement suivant le dharma) sont bien plus qu' "intéressantes". Dans RAMA NAMA, C.C. Krishna parlait du dharma en tant que loi universelle, et disait que si tous suivaient ce dharma, alors tout se rétablirait, mais qu'il faudrait cependant 'payer le prix' à savoir supporter le karma engendré par le non suivi préalable du dharma. Ce texte est intéressant aussi du fait qu'il indique bien qu'être hindou signifie suivre le sanatana dharma.

 

"Dharma" est une expression sanscrite de la plus large importance. Il n'y a de mot correspondant dans aucun autre langage. Il serait aussi futile de tenter de donner quelque définition que ce soit à ce mot. Il ne peut qu'être expliqué. Le Mahabharata, la grande épopée acclamée comme "Manava Kartavya Shastra" (code des devoirs des êtres humains) contient une discussion sur ce sujet. Lorsque Yudhisthira lui demande d'expliquer la signification et l'étendue du Dharma, Bhishma, qui avait maîtrisé la connaissance du dharma, répondit de la manière suivante :

"Il est très difficile de définir le dharma. Dharma a été expliqué comme étant ce qui aide à l'élévation des êtres humains. C'est pourquoi, ce qui assure le bien-être est assurément dharma. Les rishis érudits ont déclaré : ce qui soutient est dharma."

Le Karna Parva, Ch. 59, verset 58, fait l'éloge du dharma dans les termes suivants :

Le Dharma soutient la société,
Le Dharma maintient l'ordre social,
Le Dharma assure le bien-être et le progrès de l'humanité,
Le Dharma est certainement ce qui remplit ces objectifs."

Jaimini, l'auteur de la célèbre Purvamimamsa et de l'Uthara Mimamsa, explique ainsi le Dharma :

"Le Dharma est ce qui est indiqué dans les Vedas comme conduisant au plus grand bien."

Madhavacharya, le Ministre à Hakka et Bukka, fondateur des rois de l'Empire de Vijayanagar, dans son Commentaire sur la Parashara Smriti, a expliqué brièvement et précisément la signification de dharma dans les termes suivants :

"Le Dharma est ce qui soutient et qui assure le progrès et le bien-être de tous dans ce monde et le bonheur éternel dans l'autre monde. Le Dharma est promulgué sous forme de commandements (positifs et négatifs : Vidhi et Nishedha)."

Ainsi, le dharma embrasse tout type de conduite vertueuse couvrant tout aspect de la vie essentiel pour le soutien et le bien-être de l'individu et de la société et il inclut ces règles qui guident et permettent à ceux qui croient en Dieu et aux cieux d'atteindre moksha (la libération).

Dharma n'est pas religion

Comme expliqué précédemment, il y a une énorme différence entre le dharma et la religion. Toute la conduite vertueuse des êtres humains dans tout domaine de l'activité humaine, développée depuis des temps immémoriaux dans ce pays, tombe dans la signification du mot "dharma". La religion signifie le mode de culte envers Dieu par tous les croyants qui L'appellent de noms divers. Il y a beaucoup de religions. Il y a des exemples de fanatisme religieux créant des conflits. La religion peut diviser les gens mais le dharma unit. On peut adopter une ou changer de religion. Le dharma ne peut être changé. Il s'applique à tous les êtres humains. Il ne crée pas de conflit. C'est le même dharma qui, au cours de l'histoire, vint à être appelé "hindouisme" après que les mots "Hindou" et "Hindusthan" furent inventés par les envahisseurs étrangers pour les gens et le pays.

A ce propos l'assertion de Kerry Brown dans son livre Les Enseignements Essentiels de l'Hindouisme est très éclairante : Il dit :

"Le mot "Hindou" fut d'abord utilisé par les envahisseurs musulmans du Moyen-Âge pour décrire les habitants de la vallée de l'Indus. Mais la culture que nous connaissons maintenant comme Hindouisme et que les Indiens appellent Sanatana Dharma - la Loi Eternelle - précède cette dénomination de milliers d'années. C'est plus qu'une religion, au sens doctrinal dans lequel l'Occident comprend la religion. On peut croire en tout Dieu ou en aucun Dieu et demeurer Hindou. C'est une manière de vivre."

Beaucoup de valeurs de la vie furent développées sur la base de principes fondamentaux.

Les valeurs de la vie basées sur le dharma

Plusieurs valeurs de la vie furent développées, qui ensemble constituent notre culture, c.à.d. Bharatiya Samskriti. Ainsi notre culture est le résultat de l'observance du "Dharma" dans la vie quotidienne par les gens de ce pays depuis les temps les plus anciens. Il y a plusieurs valeurs principales et plusieurs secondaires. Je parlerai des plus importantes d'entres elles, qui toutes entrent dans les limites du "Dharma" :

1.- Le devoir envers les autres
2.- Samanya Dharma : le code général de conduite pour tous les êtres humains
3.- Le respect envers les femmes
4.- Le Dharma du mari et de la femme.
5.- L'Egalité (Samanata)
6.- Le sacrifice (Tyaga) et Paropakara.
7.- La gratitude (Kritajnata)
8.- Le Rajadharma (Loi régulant les affaires de l'état et construite sur la fondation du dharma).

C'est cette valeur culturelle, développée pendant des centaines de siècles, qui a soudé les gens de ce pays en une nation.

Cet aspect a été produit avec force par la Cour Suprême dans le cas Pradip Jain contre Union de l'Inde (A.I.R. 1984, S.C. 1420) dans les termes suivants :

"L'histoire de l'Inde au long des siècles passés porte témoignage du fait que l'Inde ne fut jamais une unité politique. Même pendant le règne de la dynastie Maurya, quoiqu'une grande partie du pays était sous la souveraineté des rois Maurya, des parties considérables du territoire étaient sous le gouvernement de royaumes indépendants. Ainsi de même pendant le gouvernement Moghol, qui s'étendait sur de larges parties du territoire de l'Inde, il y avait des souverains indépendants qui jouissaient de la souveraineté politique sur les territoires de leurs royaumes respectifs. C'est un fait intéressant de l'histoire que l'Inde fut forgée en nation ni du fait d'un langage commun ni du fait de l'existence continue d'un seul régime politique sur ses territoires, mais du fait d'une culture commune développée au cours des siècles. C'est l'unité culturelle, quelque chose de plus fondamental et durable que tout autre lien qui peut unir les gens d'un pays, qui a soudé ce pays en nation."

Ainsi, c'est la Samskriti (culture) qui fut le résultat de la pratique du dharma développé dans ce pays depuis des temps immémoriaux qui a non seulement soudé le peuple de ce pays en nation mais l'a aussi rendu invincible et qui, en conséquence, a survécu, en dépit de toutes sortes d'attaques auxquelles il a été sujet de temps en temps pendant pratiquement le dernier millier d'années.

Avec cet arrière-plan, je vais traiter du sujet du Rajadharma.

Un étude du Rajadharma révèle qu'il n'y eut aucune différence entre les idéaux tenus devant l'état par le Rajadharma et ceux qui devaient être enchâssés dans les coeurs des individus. Comme il a été indiqué précédemment, les idéaux placés devant l'individus, pour des raisons de bien-être et de bonheur de soi-même et de tous les autres dans ce monde, étaient Dharma, Artha et Kama (dharma, richesse et satisfaction des désirs) (la Trivarga ou les trois Purusharthas. On demandait à tout individu de rejeter Artha et Kama (richesse matérielle et désirs) s'ils étaient en conflit avec le dharma. L'idéal de Rajadharma placé devant l'état était d'assister et d'aider l'accomplissement par les individus des trois idéaux (Trivarga) et de s'assurer qu'ils gardent la richesse (Artha) et satisfassent leurs désirs (Kama) en conformité avec le dharma et non en transgression du dharma.

"Le but de la politique (Rajaniti) est l'accomplissement de Dharma, Artha et Kama." (Barhaspatya Sutra, II-43)

Le Barhaspatya Sutra II-44 ajoute qu'Artha (richesse) et Kama (désir) doivent tenir l'épreuve du dharma. Kautilya déclare qu'un roi doit s'efforcer à la réalisation de Trivarga, Kamandakiya, après une discussion minutieuse des sept constituants de l'état. Il conclut : "L'état administré avec l'assistance de ministres avisés, assure les trois buts (Trivarga) de manière persistante."

Somadeva commence sa Nitivakyamrita d'une manière caractéristique lorqu'il célèbre l'obéissance au (l'Etat) Rajya "qui produit les trois fruits de Dharma, Artha et Kama. Les auteurs du Dharmashastra tenaient que le Dharma était le pouvoir suprême dans l'état et qu'il était au-dessus du roi qui n'était que l'instrument pour réaliser le but du Dharma."

Rajadharma : la loi suprême

Simultanément à la venue à l'existence de Rajya et de l'institution de la royauté, la nécessité de définir sa structure, les pouvoirs et les devoirs du roi et la responsabilité du peuple pour contribuer par une partie de leur revenu par la voie d'impôts fut aussi ressentie. La nécessité fut trouvée en prenant des mesures réglementant la constitution et l'organisation de l'état, spécifiant le pouvoir et les devoirs du roi, et par toutes autres mesures incidentes et traitant aussi ces mesures comme une partie du dharma sous le titre "Rajadharma" (loi gouvernant les rois). Dans les Dharmashastras et les Smritis, le Rajadharma demeure un sujet séparé et indépendant de la loi civile, criminelle et procédurale.

Le Rajadharma, qui fixe le dharma du roi, était suprême. Il répond pleinement à la description de la loi constitutionnelle. Il y avait un corps de règles selon lesquelles le pouvoir souverain était habituellement exercé par les rois. Cependant, comme les provisions de la constitution britannique, elles étaient inapplicables dans les cours de justice, mais avec cette différence que le Rajadharma était plus fort du fait de la foi que les gens aussi bien que de celui qui gouvernait avaient envers lui.

L'efficacité du Rajadharma comme loi constitutionnelle est mise en évidence par l'Arthasastra, l'ouvrage monumental écrit par Kautilya. Kautilya incorpore l'entièreté du Rajadharma dans son Arthasastra,, établissant en termes les plus stricts le dharma (loi) selon lequel le souverain devait exercer ses pouvoirs.

C'est l'attitude de base envers le "pouvoir politique" qui est la garantie contre l'abus de pouvoir. Elle constitue la vérification interne. Ceci est l'essence du Rajadharma qui a soutenu la politique de cette nation pendant des milliers d'années.

Même dans un passé lointain, les devoirs et les responsabilités du roi étaient règlées par le Rajadharma. Tandis que la forme du gouvernement était le Rajatva (royauté), la substance était Prajaprabhutva (démocratie). Tandis qu'on disait au peuple de voir le roi comme un dieu sous forme humaine (Raja Pratyaksha Devata), on disait aux rois de voir le peuple comme "Praja Vishnu", c'est à dire comme l'incarnation du Seigneur Vishnu, et de le servir de manière désintéressée. (Histoire du Dharma Sastra, Vol. III, p. 25).

C'était aussi une obligation pour le roi de donner une protection égale à tous ses sujets sans aucune discrimination. A ce sujet, la "Manu Smriti" dit sur le Rajadharma :

"Tout comme la mère Terre donne un appui égal à tous les êtres vivants, un roi doit donner support à tous sans aucune discrimination."

Narada Smriti vide Dharmakosha, p. 870, stipule ainsi :

"Le roi doit fournir protection aux accords d'associations de croyants du Veda (Naigamas) tout aussi bien qu'aux non croyants dans le Veda (Pashandis) et aux autres."

Ces très anciennes provisions montrent comment, dans ce pays, où les Vedas étaient regardés comme suprêmes, les non-croyants dans les Vedas étaient respectés et qu'il était demandé de les protéger.

C'est pour cette raison qu'au cours des milliers d'années de l'histoire de ce pays, aucun roi hindou ne persécuta qui que ce soit du fait de la religion. Ainsi le sécularisme par excellence était-il l'un des éléments du dharma. C'est pourquoi Dharmarajya veut dire règle de loi où il est donné à tous un traitement égal. C'est à cause de la domination du dharma, dont le nouveau nom est Hindouisme, que nous avons adopté le sécularisme comme l'un des éléments de la structure de base de la Constitution. Ceci est aussi évident par le fait que dans les deux états voisins (Pakistan et Bangladesh (ndt)) qui furent parties et portions de cette nation avant la Partition, le sécularisme n'existe pas du fait que les gens qui suivent l'Hindouisme (Dharma) sont en minorité.