BOUDDHISME ET VEDANTA

Swami VIVEKANANDA

(traduction : Gaura Krishna)

 

 

La philosophie du Vedanta est le fondement du Bouddhisme et de tout le reste en Inde; mais ce que nous appelons la philosophie Advaita de l'école moderne a énormément de conclusions des bouddhistes. Bien entendu les Hindous ne l'admettent pas - les hindous orthodoxes, parce que pour eux les bouddhistes sont des hérétiques. Mais il y a une tentative consciente d'étirer toute la doctrine pour y inclure aussi les hérétiques.

Le Vedanta n'a pas de dispute avec le bouddhisme. L'idée du Vedanta est de tout harmoniser. Nous n'avons pas du tout de dispute avec les bouddhistes du Nord. Mais les Birmans et les Siamois et tous les bouddhistes du Sud disent qu'il y a un monde phénoménal, et ils demandent de quel droit nous devons créer un monde nouménal derrière. La réponse du Vedanta est que c'est une fausse affirmation. Le Vedanta n'a jamais soutenu qu'il y avait un monde nouménal et un monde phénoménal. Il y en a un. Vu à travers les sens il est phénoménal, mais en réalité il est tout le temps le nouménal. L'homme qui voit la corde ne voit pas le serpent. C'est ou la corde ou le serpent, mais jamais les deux. Aussi l'exposé bouddhiste de notre position, à savoir que nous croyons qu'il y a deux mondes, est entièrement faux. Ils ont le droit de dire que c'est le phénoménal s'ils le veulent, mais aucun de prétendre que les autres hommes n'ont pas le droit de dire que c'est le nouménal.

Le bouddhisme ne veut rien avoir d'autre que le phénomène. Le désir n'est que dans le phénomène. C'est le désir qui crée tout ceci. Les Vedantistes modernes ne soutiennent pas du tout cela. Nous disons qu'il y a quelque chose qui est devenu la volonté. La volonté est une chose fabriquée, un composé, pas une chose " simple ". Il ne peut pas y avoir de volonté sans objet extérieur. Nous voyons que la position même selon laquelle la volonté a créé cet univers est impossible (à tenir). Comment cela pourrait-il être ? Avez-vous déjà vu une volonté dans un stimulus externe ? Le désir ne peut apparaître sans stimulus, ou en langage philosophique moderne, de stimulus nerveux. La volonté est une sorte de réaction du cerveau, que les philosophes Samkhya appellent Buddhi. Cette réaction doit être précédée de l'action, et l'action présuppose un univers extérieur. Quand il n'y pas d'univers extérieur, il ne peut naturellement pas y avoir de volonté ; et pourtant, selon votre théorie, c'est la volonté qui a créé l'univers. Qui a créé la volonté ? La volonté est coexistante avec l'univers. La volonté est un phénomène cause par la même impulsion que celle qui a créé l'univers. Mais la philosophie ne doit pas s'arrêter ici. La volonté est entièrement personnelle ; c'est pourquoi nous ne pouvons pas du tout être d'accord avec Schopenhauer. La volonté est un composé - un mélange de l'interne et de l'externe. Supposez qu'un homme soit né sans aucun sens, il n'aurait aucune volonté du tout. La volonté requiert quelque chose de l'extérieur, et le cerveau obtiendra de l'énergie de l'intérieur ; la volonté est donc un composé, autant que le mur ou autre chose. Nous ne sommes pas du tout d'accord avec la théorie de la volonté de ces philosophes allemands. La volonté elle-même est un phénomène et elle ne peut pas être l'Absolu. C'est une des nombreuses projections. Il y a quelque chose qui n'est pas la volonté, mais qui se manifeste comme volonté. Cela je peux le comprendre. Mis que la volonté se manifeste comme tout le reste, je ne le comprends pas, voyant que nous ne pouvons pas avoir de conception de la volonté comme séparée de l'univers. Quand quelque chose qui est liberté devient volonté, elle est causée par le temps, l'espace et la causation. Alors comment peut-elle être l'Absolu ? On ne peut pas vouloir sans vouloir dans le temps.

Si nous pouvons cesser toute pensée, nous savons alors que nous sommes au-delà de la pensée. Nous y arrivons par la négation. Quand tout phénomène a été nié, ce qui demeure, c'est Cela. Cela ne peut être exprimé, ne peut être manifesté, parce que la manifestation sera, là encore, volonté.