Swami Vivekananda

Les pouvoirs du mental

 

(traduction par Gaura Krishna)

 

 

La croyance au surnaturel a de tous temps existé dans le monde entier. Nous avons tous entendu parler d'événements extraordinaires et beaucoup d'entre nous en ont eu une expérience personnelle. J'introduirais plutôt le sujet en vous racontant certains faits qui sont intervenus dans ma propre expérience. J'ai un jour entendu parler d'un homme qui, quand on venait le voir avec des questions à l'esprit, répondait immédiatement; et j'ai aussi été informé qu'il prédisait les événements. J'étais curieux et je suis allé le voir avec des amis. Chacun de nous avait à l'esprit quelque chose à demander, et, pour éviter des erreurs, nous avions écrit nos questions et les avions mises dans nos poches. Dès que l'homme a vu l'un de nous, il a répété nos questions et leur a donné les réponses. Il a ensuite écrit quelque chose sur un papier qu'il a replié, il a demandé que je signe au dos et il a dit, "ne le regardez pas; mettez-le dans votre poche et gardez-le là jusqu'à ce que je vous le redemande." Et il a fait de même pour chacun d'entre nous. Il nous a ensuite parlé d'événements qui nous arriveraient à l'avenir. Puis il a dit : "Maintenant, pensez à un mot ou à une phrase, dans n'importe quelle langue que vous aimez." Je pensais à une longue phrase en sanskrit, langue qu'il ne connaissait absolument pas. "Maintenant, retirez le papier de votre poche", a-t-il dit. La phrase sanskrite y était écrite ! Il l'avait écrite une heure avant avec cette note : "En confirmation de ce que j'ai écrit, cet homme pensera à cette phrase." C'était juste. Il a demandé à un autre d'entre nous qui avait reçu le même genre de papier qu'il avait signé et placé dans sa poche, de penser à une phrase. Il pensa à une phrase en arabe qu'il était encore moins possible à l'homme de connaître; c'était un passage du Coran. Et mon ami l'a trouvée écrite sur le papier.

Un autre d'entre nous était médecin. Il pensa à une phrase d'un livre médical allemand. Elle était écrite sur son papier.

Je suis retourné voir cet homme plusieurs jours après, en pensant que j'avais peut-être été trompé auparavant d'une façon ou d'une autre. J'ai pris d'autres amis et, à cette occasion, il est encore sorti merveilleusement triomphant.

J'étais une autre dans la ville d'Hyderabad, en Inde, et on m'y parla d'un intellectuel qui pouvait faire apparaître nombre de choses à partir d'où, personne ne savait. Cet homme y faisait là des affaires; c'était un homme respectable. Et je lui ai demandé de me montrer ses trucs. Cet homme avait précisément la fièvre et, en Inde, on croit généralement que si un saint homme pose sa main sur un homme malade, celui-ci guérira. Cet intellectuel est venu vers moi et il m'a dit : "Monsieur, mettez votre main sur ma tête pour que je sois guéri de ma fièvre." J'ai dit, "D'accord, mais vous me montrez vos trucs." Il a promis. J'ai posé la main sur sa tête comme il le désirait et il est venu plus tard pour réaliser sa promesse. Il n'avait qu'une bande de tissu autour des reins, nous lui avons enlevé tout le reste. J'avais une couverture que je lui ai donnée pour mettre autour de lui parce qu'il faisait froid, et nous l'avons fait asseoir dans un coin. Vingt-cinq paires d'yeux le regardaient. Et il a dit, "Maintenant, écrivez n'importe quelle chose que vous voulez." Nous avons tous écrit des noms de fruits qui n'ont jamais poussé dans ce pays, grappes de raisins, oranges, etc. Et nous lui avons donné ces morceaux de papier. Et, de dessous sa couverture, sont apparues des grappes de raisins, des oranges, etc., et en telle quantité que si tous ces fruits avaient été pesés, ils auraient fait deux fois son poids. Il nous a demandé de manger les fruits. Certains d'entre nous ont refusé, pensant qu'il s'agissait d'hypnotisme, mais l'homme a commencé à en manger, et nous avons donc mangé. C'était OK.

Il termina en faisant apparaître une multitude de roses. Chaque fleur était parfaite, avec des gouttes de rosée sur les pétales, aucune n'était écrasée, aucune n'était abîmée. Et une grande quantité ! Lorsque je lui ai demandé une explication, il a dit, "Tout est dextérité."

Quoi que ce fût, il paraissait impossible que ce pût être simplement de la dextérité de la main. D'où pouvait-il avoir obtenu une si grande quantité de choses ?

Bon, j'ai vu beaucoup de choses comme cela. En circulant en Inde vous voyez des centaines de choses semblables en différents endroits. On les voit dans tous les pays. Même dans ce pays-ci vous verrez des choses merveilleuses de ce genre. Il y a bien sur beaucoup de fraude, sans aucun doute; mais alors, quand vous voyez de la fraude, vous devez aussi dire que la fraude est une imitation. Il doit y avoir de la vérité quelque part, qui est imitée; vous ne pouvez pas ne rien imiter. L'imitation doit être l'imitation de quelque chose de substantiellement vrai.

A une époque très lointaine, en Inde, il y a des milliers d'années, ces faits se passaient plus encore qu'aujourd'hui. Il me semble que lorsqu'un pays devient très fortement peuplé, le pouvoir psychique se détériore. Dans un vaste pays très faiblement peuplé, il y aura peut-être plus de pouvoir psychique. Ces faits, les Hindous, qui ont un mental analytique, en ont discuté et on enquêté dessus. Et ils sont parvenus à certaines conclusions; ils en ont fait une science. Ils ont trouvé que toutes ces choses, quoique extraordinaires, étaient aussi naturelles; il n'y a rien de surnaturel. Elles obéissent à des lois comme tout autre phénomène physique. Ce n'est pas une excentricité de la nature que l'homme naisse avec de tels pouvoirs. On peut les étudier systématiquement, les pratiquer, et les acquérir. Ils appellent cette science la science du Raja-Yoga. Il y a des milliers de gens qui cultivent l'étude de cette science et pour la nation entière elle est devenue une partie du culte quotidien.

La conclusion à laquelle ils sont parvenus est que tous ces pouvoirs extraordinaires sont dans le mental de l'homme. Ce mental est une partie du mental universel. Chaque mental est associé à chacun des autres mentaux. Et chaque mental, où qu'il se trouve, est en réelle communication avec le monde entier.

Avez-vous jamais observé le phénomène qu'on appelle transmission de pensée ? Un homme pense à quelque chose ici et cette pensée se manifeste chez quelqu'un d'autre, dans un autre endroit. Avec des préparations - non pas par hasard - un homme veut envoyer une pensée à distance à un autre mental et cet autre mental sait qu'une pensée arrive, et il la reçoit exactement comme elle est envoyée. La distance ne fait rien. La pensée part et atteint l'autre homme et il la comprend. Si votre mental était quelque chose d'isolé ici et que mon mental était quelque chose d'isolé là et qu'il n'y avait aucun rapport entre les deux, comment serait-il possible à ma pensée de vous atteindre ? Dans les cas ordinaires, ce n'est pas ma pensée qui vous atteint directement; mais ma pensée est dissoute en des vibrations éthérées et ces vibrations éthérées vont dans votre cerveau et elles doivent encore se résoudre en vos propres pensées. Il y a dissolution de pensée, et il y a résolution de pensée. C'est un processus indirect. Mais dans la télépathie, il n'y a rien de tel; c'est direct.

Cela montre qu'il y a une continuité de mental, comme les Yogis l'appellent. Le mental est universel. Votre mental, mon mental, tout ces petits mentaux, sont des fragments de ce mental universel, de petites vagues dans l'océan, et à cause de cette continuité, nous pouvons transmettre directement nos pensées de l'un à l'autre.

Vous voyez ce qui se passe autour de nous. Le monde est un monde d'influence. Une partie de notre énergie est utilisée pour la conservation de notre propre corps. Au-delà de cela, chaque particule de notre énergie est utilisée jour et nuit à influencer les autres. Notre corps, nos vertus, notre intellect et notre spiritualité, tous influencent les autres de façon continue; et de même, inversement, nous sommes influencés par eux. Cela se passe autour de nous. Prenons maintenant un exemple concret.

 

Un homme arrive; vous savez qu'il est très savant, sa langue est belle et il vous parle pendant des heures, mais il ne fait pas du tout impression. Un autre homme arrive et il dit quelques mots, pas bien arrangés, voire incorrects, et il fait une immense impression. Beaucoup d'entre vous ont vu cela. Il est donc évident que les mots seuls ne peuvent pas toujours produire une impression. Les mots, même les pensées, ne contribuent que pour un tiers à l'influence en faisant impression; l'homme pour les deux tiers. Ce que vous appelez magnétisme personnel de l'homme, c'est ce qui sort et vous impressionne.

Dans nos familles il y a les chefs; certaines d'entre elles ont du succès, d'autres non. Pourquoi ? Nous nous plaignons des autres dans nos échecs. Au moment où je connais l'échec, je dis qu'Untel est la cause de l'échec. Dans l'échec, on n'aime pas confesser ses propres fautes et ses propres faiblesses. Chaque personne essaie de rester sans défaut et de porter le blâme sur quelqu'un ou sur quelque chose d'autre, ou même sur la malchance. Lorsque les chefs de familles échouent, ils devraient se demander pourquoi certaines personnes dirigent si bien une famille et pas d'autres. Vous verrez alors que la différence est due à l'homme, à sa présence, à sa personnalité.

Pour en venir aux grands leaders de l'humanité, nous voyons toujours que c'est la personnalité de l'homme qui a compté. Prenez maintenant tous les grands auteurs du passé, les grands penseurs. A vrai dire, combien de pensées ont-ils eues ? Prenez tous les écrits que nous ont laissé les leaders passés de l'humanité; prenez chacun de leurs livres et estimez-les. Les véritables pensées, nouvelles et authentiques, qui ont été pensées à cette époque dans ce monde jusqu'à ce jour, ne se montent qu'à une poignée. Lisez dans leurs livres les pensées qu'ils nous ont laissées. Les auteurs ne nous paraissent pas être des géants et nous savons pourtant qu'ils ont été des géants à leur époque. Qu'est-ce qui les a rendus ainsi ? Pas seulement les pensées qu'ils ont eues, ni les livres qu'ils ont écrits, ni les discours qu'ils ont faits, c'était quelque chose d'autre qui s'en est maintenant allé, qui est leur personnalité. Comme je l'ai déjà remarqué, la personnalité de l'homme fait les deux tiers, et son intellect, ses paroles, ne fait qu'un tiers. C'est l'homme véritable, la personnalité de l'homme, qui nous parcourt. Nos actions ne sont que des effets. Les actions doivent venir lorsque l'homme est là; l'effet est obligé de suivre la cause.

L'idéal de toute éducation, de tout entraînement, devrait être cette formation d'homme. Mais, au lieu de cela, nous essayons toujours de polir l'extérieur. Quelle utilité à polir l'extérieur quand il n'y a aucun intérieur ? La fin et le but de toute formation est de faire grandir l'homme. L'homme qui influence, qui jette sa magie, pour ainsi dire, sur ses semblables, est une dynamo de pouvoir et lorsque cet homme est prêt, il peut faire n'importe quoi et tout ce qu'il aime; cette personnalité mise sur n'importe quelle chose la fera marcher.

Maintenant, nous voyons que, quoique ce soit un fait, aucune des lois physiques que nous connaissons de la volonté ne l'explique. Comment pouvons-nous l'expliquer par la connaissance chimique et physique ? Combien d'oxygène, d'hydrogène, de carbone, combien de molécules à divers endroits, et combien de cellules, etc., etc. peuvent expliquer cette personnalité mystérieuse ? Et nous voyons pourtant, c'est un fait, et pas seulement cela, que c'est le véritable homme; et c'est cet homme qui vit, se meut et travaille, c'est cet homme qui influence, émeut ses semblables et s'évanouit, et son intellect, ses livres et ses travaux ne sont que des traces laissées derrière lui. Pensez à ceci. Comparez les grands enseignants de la religion avec les grands philosophes. Les philosophes ont à peine influencé l'homme intérieur de quelqu'un et ils ont pourtant écrit la plupart des livres merveilleux. Les enseignants religieux, d'un autre côté, ont remué des pays lors de leur vie. La personnalité faisait la différence. Dans le philosophe c'est une personnalité faible qui influence; dans les grands prophètes c'est énorme. Nous touchons l'intellect dans le premier, nous touchons la vie dans le second. Dans le premier cas, çà n'est qu'un processus chimique, qui met ensemble certains éléments chimiques qui peuvent se combiner petit à petit et, en des circonstances appropriées, faire sortir un éclair de lumière ou échouer. Dans l'autre, c'est comme une torche qui tourne rapidement, en éclairant les autres.

La science du Yoga clame qu'elle a découvert les lois qui développent cette personnalité, et par une attention adéquate à ces lois et méthodes, chacun peut évoluer et fortifier sa personnalité. C'est une des grandes choses pratiques et c'est le secret de toute éducation. Cela a une application universelle. Dans la vie du propriétaire, dans la vie du pauvre, du riche, de l'homme d'affaires, de l'homme spirituel, dans la vie de tout le monde, c'est une grande chose, le renforcement de cette personnalité. Il y a des lois, très fines, qui sont derrière les lois physiques telles que nous les connaissons. Cela veut dire qu'il n'y a pas de réalités telles qu'un monde physique, un monde mental, un monde spirituel. Tout ce qui est, est un. Disons que c'est une sorte d'existence effilée; la partie la plus épaisse est ici, çà s'effile et çà devient de plus en plus fin. Le plus fin est ce que nous appelons le mental; le plus gros, le corps. Et tout comme c'est ici dans le microcosme, c'est exactement la même chose dans le macrocosme. Notre univers est exactement comme çà; c'est la grosse épaisseur externe et elle s'effile en quelque chose de plus en plus fin jusqu'à ce qu'elle devienne Dieu.

Nous savons aussi que le pouvoir le plus grand se trouve dans ce qui est fin, pas dans le grossier. Nous voyons un homme prendre un poids énorme, nous voyons ses muscles gonfler, nous voyons sur son corps des signes d'effort et nous pensons que les muscles sont des choses puissantes. Mais ce sont les choses minces comme un fil, les nerfs, qui apportent le pouvoir aux muscles; dès que l'un de ces fils est séparé des muscles, ils ne sont pas du tout capables de travailler. Ces nerfs minuscules apportent le pouvoir de quelque chose d'encore plus fin, et cela à son tour l'apporte de quelque chose d'encore plus fin, la pensée, et ainsi de suite. Nous pouvons donc voir les mouvements dans le grossier; mais lorsque des mouvements fins ont lieu, nous ne pouvons pas les voir. Quand une grosse chose bouge, nous l'attrapons, et nous identifions donc naturellement le mouvement avec choses qui sont grosses. Mais tout le pouvoir est vraiment dans ce qui est fin. Nous ne voyons aucun mouvement dans ce qui est fin, peut-être parce que le mouvement est si intense que nous ne pouvons pas le percevoir. Mais si par la science, l'investigation, nous sommes aidés pour trouver ces forces plus fines qui sont la cause de l'expression, l'expression elle-même sera sous contrôle. Il y a une petite bulle qui sort du fond d'un lac; nous ne la voyons pas tout le temps venir, nous la voyons seulement lorsqu'elle éclate à la surface; de même, nous ne pouvons percevoir les pensées qu'après qu'elles se soient beaucoup développées, ou après qu'elles soient devenues actions. Nous nous plaignons constamment de n'avoir aucun contrôle sur nos actions, sur nos pensées. Mais comment pouvons-nous l'avoir ? Si nous pouvions contrôler les mouvements fins, si nous pouvions saisir la pensée à la racine, avant qu'elle soit devenue pensée, avant qu'elle soit devenue action, il nous serait alors possible de contrôler le tout. Maintenant, s'il y avait une méthode par laquelle nous pouvions analyser, enquêter, comprendre et finalement en venir aux prises avec ces pouvoirs plus fins, ces causes plus fines, alors seulement serait-il possible de nous contrôler nous-mêmes, et l'homme qui a le contrôle sur son propre mental aura le contrôle sur tout autre mental. C'est pourquoi la pureté et la moralité ont toujours été l'objet de la religion; un homme pur, moral, a le contrôle de lui-même. Et tous les mentaux sont les mêmes, différentes parties d'un Mental unique. Celui qui connaît un morceau d'argile connaît toute l'argile de l'univers. Celui qui connaît et contrôle son propre mental connaît le secret de tout mental et a pouvoir sur tout mental.

Alors, nous pouvons nous débarrasser de beaucoup de nos maux physiques si nous avons le contrôle sur les parties fines; nous pouvons rejeter beaucoup de soucis si nous contrôlons les mouvements fins; nous pouvons détourner beaucoup d'échecs si nous avons contrôle sur ces pouvoirs fins. Jusqu'ici, c'est l'utilité. Au-delà pourtant, il y a quelque chose de plus élevé.

Je vais maintenant vous donner une théorie, que je n'argumenterais pas maintenant, mais dont je vais seulement mettre la conclusion devant vous. Tout homme passe dans son enfance par les stades par lesquels sa race est apparue; seulement la race a mis des milliers d'années pour le faire, tandis que l'enfant met quelques années. L'enfant est d'abord le vieil homme sauvage, et il écrase un papillon sous ses pieds. L'enfant est d'abord comme les ancêtres primitifs de sa race. Au fur et à mesure qu'il grandit, il passe par différents stades jusqu'à ce qu'il atteigne le développement de sa race. Seulement il le fait rapidement. Considérez maintenant toute l'humanité comme une race, ou prenez l'entièreté de la création animale, l'homme et les animaux inférieurs, comme un tout. Il y a une fin vers laquelle le tout se meut. Appelons-la perfection. Certains hommes et certaines femmes sont nés qui anticipent tout le progrès de l'humanité. Au lieu d'attendre et de renaître encore et encore pendant des âges jusqu'à ce que toute la race humaine ait atteint cette perfection, ils se précipitent à travers eux, pour ainsi dire, en quelques années très courtes de leur vie. Et nous savons que nous pouvons accélérer ces processus, si nous sommes vrais à nous-mêmes. Si un certain nombre d'hommes, sans aucune culture, sont laissés pour vivre sur une île et qu'on leur donne tout juste assez de nourriture, de vêtements et d'abris, ils vont avancer petit à petit, évoluant vers des stades de civilisation de plus en plus élevés. Nous savons aussi que cette croissance peut être accélérée par des moyens additionnels. Nous aidons la croissance des arbres, n'est-ce pas ? Laissés à la nature, ils auraient poussé, seulement ils auraient mis plus longtemps; nous les aidons à pousser en un temps plus court que celui qu'ils auraient mis autrement. Nous faisons tout le temps la même chose, accélérant la croissance des choses par des moyens artificiels. Pourquoi ne pouvons-nous pas accélérer la croissance de l'homme ? En tant que race nous pouvons le faire. Pourquoi envoie-t-on des enseignants dans d'autres pays ? Parce que, grâce à cela, nous pouvons accélérer la croissance des races. Maintenant, ne pouvons-nous pas accélérer la croissance des individus ? Nous le pouvons. Pouvons-nous mettre une limite à cette accélération ? Nous ne pouvons pas dire de combien un homme va évoluer en une vie. Vous n'avez aucune raison de dire que l'homme ne peut faire que tant et pas plus. Des circonstances peuvent l'accélérer de manière merveilleuse. Peut-il alors y avoir une limite, jusqu'à ce que vous arriviez à la perfection ? Ainsi, que ressort-il de cela ? Qu'un homme parfait, c'est à dire le type qui doit venir de cette race, peut-être dans des millions d'années, que cet homme peut venir aujourd'hui. Et cela est ce que disent les Yogis, que toutes les grandes incarnations et que tous les prophètes sont des hommes de ce genre; qu'ils ont atteint la perfection dans cette seule vie. Nous avons eu des hommes comme cela à toutes les périodes de l'histoire du monde et en tous temps. Tout à fait récemment, il y a eu un pareil homme qui a vécu la vie de l'entièreté de la race humaine et qui a atteint la fin, dans cette vie même. Même cette accélération de la croissance doit obéir à des lois. Supposons que nous examinions ces lois et que nous comprenions leurs secrets et que nous les appliquions à nos propres besoins; il s'ensuit que nous évoluons. Nous accélérons notre croissance, nous accélérons notre développement, et nous devenons parfaits, même en cette vie. C'est la partie plus élevée de notre vie, et la science de l'étude du mental et de ses pouvoirs a cette perfection comme véritable fin. Aider les autres avec de l'argent ou d'autres choses matérielles et leur apprendre comment vivre sans problème dans leur vie quotidienne n'est que détails.

L'utilité de cette science est de révéler l'homme parfait, et de ne pas le laisser attendre pendant des âges, comme un jouet entre les mains du monde physique, comme un morceau de bois flottant porté de vague en vague et ballotté dans l'océan. Cette science veut que vous soyez forts, que vous preniez le travail entre vos mains au lieu de le laisser entre les mains de la nature, et que vous alliez au-delà de cette petite vie. Telle est la grande idée.

L'homme évolue en connaissance, en pouvoir, en bonheur. De manière continue, nous évoluons en tant que race. Nous voyons que c'est vrai, parfaitement vrai. Est-ce vrai pour les individus ? Oui jusqu'à un certain point. Mais la question se pose pourtant encore : où fixez-vous la limite ? Je ne peux voir qu'à une distance de tant de mètres. Mais j'ai vu un homme fermer les yeux et voir ce qui arrivait dans l'autre pièce. Si vous dites que vous n'y croyez pas, peut-être que cet homme pourra vous faire faire la même chose en trois semaines. Cela peut être enseigné à n'importe qui. Certaines personnes, même en cinq minutes, peuvent être rendues aptes à lire ce qui arrive dans le mental d'un autre homme. Ces faits peuvent être démontrés.

Maintenant, si ces choses sont vraies, où pouvons-nous placer une limite ? Si un homme peut lire ce qui arrive dans le mental d'un autre dans le coin de cette pièce, pourquoi pas dans l'autre pièce ? Pourquoi pas n'importe où ? Nous ne pouvons pas le dire, pourquoi pas ? Nous n'osons pas dire que cela n'est pas possible. Nous ne pouvons que dire que nous ne savons pas comment cela arrive. Les scientifiques matérialistes n'ont aucun droit de dire que de telles choses ne sont pas possibles, ils ne peuvent que dire : " Nous ne savons pas. " La science doit collecter des faits, généraliser à partir d'eux, déduire des principes, et établir la vérité, c'est tout. Mais si nous commençons par nier les faits, comment une science pourrait-elle exister ?

Il n'y a pas de limite au pouvoir qu'un homme peut obtenir. C'est la particularité du mental indien que, lorsqu'une chose l'intéresse, il s'absorbe en elle et d'autres choses sont négligées. Vous savez que nombre de sciences ont eu leur origine en Inde. Les mathématiques y ont commencé. Aujourd'hui même vous comptez 1, 2, 3, etc. jusque zéro, d'après les chiffres sanskrits, et vous savez que l'algèbre a aussi eu son origine en Inde, et que la gravitation était connue des Indiens des milliers d'années avant la naissance de Newton.

Vous voyez la singularité. A une certaine période de l'histoire indienne, ce seul sujet de l'homme et de son mental a absorbé tout leur intérêt. Et il semblait très séduisant, parce qu'il semblait être le moyen le plus facile d'atteindre leurs buts. Maintenant, le mental indien est devenu si totalement persuadé que le mental pouvait faire tout et n'importe quoi selon la loi que son pouvoir est devenu le grand sujet d'étude. Sortilèges, magie et autres pouvoirs, etc., tout cela n'avait rien d'extraordinaire, mais c'était une science enseignée régulièrement, tout comme les sciences physiques qu'ils avaient enseignées avant cela. La conviction en ces choses était telle pour la race que les sciences physiques disparurent. C'était la seule chose qui venait devant eux. Diverses sectes de Yogis commencèrent à faire toutes sortes d'expériences. Certaines firent des expériences avec la lumière, essayant de découvrir comment des lumières de couleurs différentes produisaient des changements dans le corps. Ils portaient un vêtement d'une certaine couleur, vivaient sous une certaine couleur, et mangeaient des aliments d'une certaine couleur. Toutes sortes d'expériences furent ainsi faites. D'autres firent des expériences de son en se bouchant et en se débouchant les oreilles. Et d'autres encore firent des expériences avec le sens de l'odeur, etc.

Toute l'idée était d'aller à la base, d'atteindre les fines parties de la chose. Et certains d'entre eux montrèrent véritablement de très merveilleux pouvoirs. Beaucoup d'entre eux essayaient de flotter dans l'air ou de le traverser. Je vais vous raconter une histoire que j'ai entendue d'un grand érudit d'occident. Elle lui avait été racontée par un Gouverneur de Ceylan qui avait vu la performance. On avait amené une fille qui s'est assise les jambes croisées sur un tabouret fait de baguettes entrecroisées. Après avoir été assise pendant un moment, celui qui menait le spectacle commença à enlever ces baguettes l'une après l'autre; et quand elles furent toutes enlevées, la fille flottait en l'air. Le Gouverneur pensa qu'il y avait un truc, alors il tira son épée et la passa violemment sous la fille ; il n'y avait rien. Alors, qu'est-ce que c'était ? Cà n'était pas de la magie ou quelque chose d'extraordinaire. C'était la singularité. Personne en Inde ne vous dira qu'une telle chose n'existe pas. Pour l'hindou cela va sans dire. Vous savez ce que les hindous diraient souvent s'ils devaient combattre leur ennemis : "Oh ! l'un de nos Yogis va venir faire partir tout çà ! ". C'est une croyance extrême de la race. Quel pouvoir y a-t-il dans la main ou dans l'épée ? Le pouvoir est entièrement dans l'esprit.

Si cela est vrai, il est assez tentant pour le mental de faire usage de son (degré) le plus élevé. Mais comme il est très difficile de faire un grand exploit avec n'importe quelle autre science, avec celle-là aussi; non, c'est beaucoup plus difficile. Pourtant la plupart des gens pensent qu'on peut facilement obtenir ces pouvoirs. En combien d'années faites-vous fortune ? Pensez à çà ! D'abord, combien d'années vous faut-il pour apprendre la science de l'électricité ou l'ingénierie ? Et vous devez ensuite travailler tout le reste de votre vie.

En outre, la plupart des autres sciences traitent de choses qui ne bougent pas, qui sont fixes. Vous pouvez analyser la chaise, la chaise ne vole pas vers vous. Mais cette science traite du mental, qui n'arrête pas de bouger; au moment où vous voulez l'étudier, il glisse. Là le mental est dans une certaine disposition, l'instant d'après il est différent, changeant, changeant tout le temps. Au milieu de tout ce changement il doit être étudié, compris, empoigné et contrôlé. Combien plus difficile alors est cette science ! Elle requiert un entraînement rigoureux. Les gens me demandent pourquoi je ne leur donne pas de leçons pratiques. Pourquoi, çà n'est pas une blague. Je me tiens sur cette estrade en vous parlant et vous rentrez chez vous et ne voyez aucun profit, ni moi non plus. Alors vous dites : " Tout çà c'est des bêtises. " C'est parce que vous vouliez en faire des bêtises. Je connais très peu de cette science, mais le peu que j'en ai obtenu, j'y ai travaillé pendant trente années de ma vie, et pendant six ans j'en ai dit aux gens le peu que j'en sais. Cela m'a pris trente ans à l'apprendre; trente ans de dure lutte. J'y travaillais parfois pendant 20 heures sur 24 ; je ne dormais quelquefois qu'une heure par nuit; j'y travaillais quelquefois des nuits entières; je vivais parfois en des endroits où existait difficilement un son, difficilement un souffle; je devais quelquefois vivre dans des cavernes. Pensez-y. Et pourtant je connais peu ou rien; j'ai tout juste touché l'ourlet du vêtement de cette science. Mais je peux comprendre qu'elle est vraie, immense et merveilleuse.

Maintenant, s'il y en a un parmi vous qui veut réellement étudier cette science, il devra commencer avec ce genre de détermination, la même que, non, plus encore même, que celle qu'il met dans toute affaire de la vie.

Et quelle somme d'attention les affaires requièrent, et quel tyran rigoureux elles sont ! Même si le père, la mère, la femme ou l'enfant meurt, les affaires ne peuvent pas s'arrêter ! Même si le coeur lâche, nous devons nous rendre à notre lieu d'affaires, alors que toute heure de travail est un tourment. Ce sont les affaires, et nous pensons que c'est juste, que c'est bien.

Cette science exige plus d'application que n'importe quelle affaire pourra jamais exiger. Beaucoup d'hommes réussissent en affaires, très peu en cette science. Parce que tant dépend de la constitution particulière de la personne qui l'étudie. De même que dans les affaires tous ne peuvent pas faire fortune mais tout le monde peut faire quelque chose, dans l'étude de cette science chacun peut en avoir un aperçu qui le convaincra de sa vérité et du fait qu'il y a eu des hommes qui l'ont pleinement réalisée.

Telle sont les grandes lignes de la science. Elle se tient sur ses pieds et dans sa propre lumière, et elle défie la comparaison avec toute autre science. Il y a eu des charlatans, il y a eu des magiciens, il y a eu des tricheurs, et plus ici que dans tout autre domaine. Pourquoi ? Pour la même raison, plus les affaires sont profitables, plus grand est le nombre de charlatans et de tricheurs. Mais il n'y a aucune raison pour que les affaires ne soient pas bonnes. Encore une chose; çà peut être une bonne gymnastique intellectuelle que d'écouter tous les arguments et une satisfaction intellectuelle que d'entendre des choses merveilleuses. Mais, si l'un de vous veut vraiment apprendre quelque chose au-delà de cela, assister à des conférences ne suffira pas. Cela ne peut pas s'enseigner dans des conférences, car c'est la vie; et la vie ne peut que transmettre la vie. S'il y en a parmi vous qui sont vraiment déterminés à l'apprendre, je serai très content de les aider.