YOGA VASISHTHA
MAHARAMAYANA

 

LIVRE III

 

Chapitre VII

Drisyasatta pratijnanam

(Reconnaissance de l'inexistence du monde phénoménal)

 

1.- Rama dit : "Dis-moi, ô brahmane, où se trouve ce Brahman et comment je puis le connaître, lui dont tu dis tout cela et dont la connaissance dont tu parles conduit à notre libération.

2.- Vasishtha répondit : "Ce Brahman dont j'ai parlé n'est pas loin, de nous. Il est situé dans nos corps et on le connaît comme étant de la forme de la pure Conscience.

3.- Il est tout en tout, bien que ce monde ne soit pas l'omniprésent Lui-même. Il est unique est n'est pas appelé le 'tout ce qui est visible'.

4.- Il est cette conscience qui est en Shiva, qui porte le croissant de lune sur la tête; le même est en Vishnu qui monte son aigle Garuda, et en Brahma qui est né du lotus. Le soleil aussi est une particule de cette Conscience.

5.- Rama répliqua : "Ainsi en est-il; et même les jeunes garçons le disent aussi, que si le monde entier est pure Conscience, alors pourquoi l'appeler par un autre nom (monde), et quelle est l'utilité d'en faire l'admonition à qui que ce soit ?"

6.- Vasishtha répondit : "Si tu as connu la pure Conscience comme étant la même que le monde conscient, tu n'as alors rien connu qui te débarrasse de ce monde.

7.- Le monde est en vérité conscient, O Rama; mais le jivatman est appelé pasu ou observateur brute des choses pasyati du fait qu'il cherche les plaisirs sensuels comme des brutes et ne fait apparaître que les peurs de la maladie, de la déchéance et de la mort

8.- Le Jiva, quoiqu'étant une substance incorporelle, est une chose ignorante et sujette à la peine et au chagrin. Le manas (mental) aussi, quoiqu'il soit capable de conscience, est devenu la racine de tous les maux.

9.- La libération des pensées du monde est un état, et le regard qu'on porte sur lui en est un autre. Celui qui connaît le meilleur de ces deux états ne connaît aucune cause de chagrin.

10.- Celui qui a vu l'Être Suprême transcendant a tous les liens du coeur déchirés et tous les doutes du mental dissipés. La succession de ses actions est emportée.

11.- Le désir des choses perceptibles ne cesse pas à moins que la perception des choses visibles ne soit effacée du mental.

12.- Alors comment cette perception peut-elle être effacée ? Comment est-il possible de désirer une Conscience inintelligible sans la suppression de notre désir pour les choses visibles ? Cela ne peut s'effectuer qu'en évitant les perceptions extérieures du mental."

13.- Rama dit : "Dis-moi où et comment est cet atman vide appelé pasu par la connaissance duquel nul ne peut se débarrasser de cette transmigration.

14.- Dis-moi aussi quel est cet homme qui, par la compagnie du bien et l'étude des bons ouvrages, est parvenu au-delà de l'océan du monde et tient le Paramatman en lui-même."

15.- Vasishtha répondit : "Quels que soient les jivas lancés dans le désert de cette vie, longtemps après cet atman conscient, ils sont en vérité sages et Le connaissent.

16.- Celui qui voit le jiva comme la vie du monde et pense que la Conscience ne peut être servie qu'avec peine ne pourra jamais Le connaître nulle part.

17.- Si le Paramatman peut nous être connu, Rama, la corde de nos malheurs prend fin, comme le choléra fatal après la fin de sa souffrance cholique et l'extraction de son poison."

18.- Rama dit : "Dis-moi, ô brahmane, la véritable forme du Paramatman, à la lumière duquel le mental peut échapper à toutes ses erreurs."

19.- Vasishtha répondit : "Le Paramatman est vu de la même manière, en nous-mêmes et à l'intérieur de nos corps, que nous sommes conscients que notre mental est situé en nous après son vol vers de lointains pays.

20.- Notre notion du Paramatman se perd souvent dans les profondeurs de notre mental, de la même manière que l'existence du monde extérieur s'éteint de notre conscience dans la méditation yoguique.

21.- C'est Lui dans la connaissance duquel nous perdons notre sens d'agent et d'objets, et qui est un vide non vide ou un vide substantiel.

22.- Lui dont la substance apparaît comme vide et dans lequel subsiste la plénitude vide de l'univers, et qui apparaît comme vide-même, nonobstant le fait que la plénitude de sa création qui subsiste en lui est véritablement la forme du Paramatman.

23.- Lui qui, bien qu'empli de conscience, apparaît se tenir devant nous comme un immense roc inconscient, et qui, bien que tout à fait subtil dans sa nature, semble un corps grossier à notre conception : telle est la forme du Paramatman.

24.- Cela qui englobe l'intérieur et l'extérieur de toute chose et prend le nom et la nature de tout être est en vérité la forme du Paramatman.

25.- Comme la lumière est reliée au soleil et la vacuité au firmament et comme l'Omniprésence est présente en toute chose et partout : telle est la forme du Paramatman."

26.- Rama demanda : "Mais comment pouvons-nous comprendre que Celui qui porte le nom et la nature de la réalité absolue et infinie puisse être pourtant compressé au dedans d'une chose visible dans le monde, ce qui est complètement impossible à croire ?"

27.- Vasishtha répondit : "La conception fausse de la création du monde ressemble à l'impression fausse de couleurs dans le ciel clair; pour cette raison il est faux, Rama, de prendre une chose pour vraie dont il y a une privation absolue dans la nature.

28.- C'est la connaissance de Brahman qui constitue sa forme, sinon il n'y a aucun de ses actes par lequel il puisse nous être connu. Il est totalement dépourvu de forme visible, et c'est pourquoi il n'y a pas de meilleur chose pour tout un chacun que de le connaître comme vérité.

29.- Après qu'une négation absolue des choses visibles vienne à être connue, un objet prééminent de conception demeure, qui est inné et qui se manifeste de lui-même.

30.- Ce concept n'a souvent aucune réflexion du fait qu'il n'a aucune apparence visible, et à d'autres moments il n'est pas sans avoir de réflexion dans le miroir du mental.

31.- Nul n'a jamais conçu cette vérité transcendante en lui-même qui n'a pas en même temps été convaincu de l'impossibilité de l'existence du monde visible."

32.- Rama répliqua : "Dis-moi, ô sage, comment l'existence de tant de mondes étendus qui composent l'univers visible peut être pensée comme irréelle ou comprise dans le chinmatram comme le Mont Méru dans une graine de sésame ?"

33.- Vasishtha répondit : "Si tu veux seulement rester quelques jours dans la compagnie d'hommes saints et étudier avec moi les Shastras sacrés avec un mental ferme,

34.- alors je ferai disparaître cette fausse notion des objets de ton entendement, comme le mirage illusoire de notre vue. Cette absence de la vue fera disparaître ton sentiment d'être celui qui voit et te rendra à ta seule conscience.

35.- Lorsque celui qui voit est uni à la vue, et la vue à celui qui voit, il se produit alors une unité à partir de la dualité, et la dualité se confond en une inséparable unité.

36.- Sans l'union des deux il ne peut y avoir aucun succès de l'un d'eux; et cette union de celui qui voit et de la (scène) vue ayant disparue enfin, il ne demeure que la seule unité.

37.- Je vais maintenant faire disparaître les scories de tout ton sentiment d'égoïsme et d'altruisme, avec celui du monde et de toutes les autres choses du miroir de ton mental, en te portant à ta conscience de soi et à la négation de toute autre chose.

38.- De rien jamais quelque chose n'apparaît, et quelque chose jamais ne procède de rien; et il n'y a aucune difficulté que ce soit à enlever ce qui par nature n'existe pas.

39.- Ce monde qui apparaît si vaste et étendu n'était pas en être au commencement. Il demeurait dans le pur esprit de Brahma et est apparu à partir du mental de Brahma.

40.- La chose appelée monde n'a jamais été produite et elle n'existe pas ni n'a d'apparence réelle. C'est comme la forme d'un bracelet en or qu'il n'est pas difficile d'altérer et de réduire à son état métallique grossier.

40.- Je vais l'expliquer pleinement par d'autres raisons grâce auxquelles cette vérité peut apparaître d'elle-même et s'imprimer irrémédiablement en ton mental.

42.- Comment peut-on dire avoir son être, qui n'a jamais été porté à l'être auparavant, et comment peut-il y avoir une rivière dans le mirage ou l'anneau d'une éclipse dans la lune ?

43.- Tout comme une femme stérile n'a pas de fils et qu'un mirage n'a pas d'eau, et tout comme il n'y a pas de plante qui pousse dans le firmament, de même il n'y a aucune chose telle que celle que nous appelons de manière erronée le monde.

44.- Tout ce que tu vois, O Rama, est l'indestructible Brahman Lui-même. Cela je te l'ai maintes fois montré à l'aide de bonnes raisons, et non en simples mots.

45.- Il n'est pas raisonnable, ô intelligent Rama, de mépriser ce que te dit un homme instruit à l'aide de bonnes raisons; parce que l'esprit lourd qui néglige d'écouter les paroles de raison et de sagesse est considéré comme un fou et est sujet à toutes sortes de difficultés.